flore

La bière est un produit populaire, source de convivialité, il se veut accessible à toutes et tous et ne se prend pas très au sérieux. Après deux guerres mondiales et une forte industrialisation, la bière était devenue un produit standard et facile à boire dans le monde entier, avec des lagers relativement insipides qu’on buvait à la bouteille, entre amis s’en y faire vraiment attention, quelqu’en soit la marque : toutes possédées par quelques multinationales. Le mouvement des bières craft duquel on se réclame, a redonné à la bière une place certes un peu plus noble : en la remettant dans un verre pour sentir ses subtilités, en lui redonnant une histoire, un bagage technique, du relief et une étendue de possible à la hauteur des traditions dont elle découle, en invitant enfin chacun à s’approprier ces savoirs : en regardant, en faisant tourner, en humant en reniflant, avant de gouter, d’analyser, de sentir, de se souvenir et de s’ouvrir aux évocations que chaque gorgée suscite. Une place un peu plus noble mais qu’il faudrait éviter de rendre pompeuse…

Contrairement au vin ou à beaucoup de produits gastronomiques, la bière est relativement dépourvue du poids du dogme, elle est plus libre, plus punk, c’est un produit moins instinctif, moins secret, plus assemblé, plus facile à embrasser au point que chacun peut la faire chez lui, ou chaque étape peut être contrôlée car on choisit ses matières premières dont l’eau est séparée, on n’est pas vraiment tributaire du terroir, on fait bouillir avant de redémarrer la fermentation sur un terrain stérile, on choisit sa levure : des pratiques inimaginables pour un viticulteur qui se respecte… Mais la bière craft n’est pas française, elle n’est pas du vin français, et découle d’une approche libertaire qui offre d’autres possibilités.

De ce fait, la bière est au vin, ce que la cuisine aux restes d’un étudiant inventif et débridé serait à la grande pâtisserie, du grand n’importe quoi qui donne souvent des résultats exceptionnels. On combine les styles à volonté, on les caricature, on essaye de nouvelles choses avec l’esprit d’un geek, et surtout on ajoute des ingrédients improbables ! Cette débauche de créativité a donné lieux à des bières à tout : de l’Imperial brut göse à l’huître à la hazy Berlinner weisse à la fraise tagada, de la quadruple IPA piment papaye, à la farmhouse ale brettée au poivre du kampot et café Blue Mountain de Jamaïque… Tout est possible. 

Il existe aussi bien sur des bières industrielles gout framboise, ou encore aromatisée à la poire, bourrées de sucres artificiels alors que justement une vraie bière aux fruits en contient moins qu’une bière classique. Ces monstruosités de supermarché, issues du marketing le plus stupide sont supposée plaire aux femmes, car il est bien connu qu’on goute la bière avec nos organes génitaux, ou aux personnes qui n’aiment pas LA bière, alors qu’il en existe tant et que tout n’est qu’affaire d’habitude et de conditionnement. C’est surtout une manière de plus de nous droguer au sucre pour nous rendre captifs.

Nos bières aux fruits (et aux plantes) ne sont pas sucrées, bien au contraire, elles n’ont bien sur pas de genre car il est insensé de croire que notre sexe a une influence sur nos goûts au-delà de ceux que la société de consommation et de traditions patriarcales nous impose. Nos bières aux fruits sont le reflet de l’immense biodiversité aromatique que composent les saisons françaises, au détour des sentiers, des forêts, des vergers et des jardins, cultivés ou sauvegardés avec passion par les hommes et les femmes de nos campagnes, des amoureux de la nature, des botanistes infatigables jamais à cours de nouveaux parfums qu’en complices du vivant ils piochent ici dans une variété ancienne oubliée, un plant exotique acclimaté, ou dans un croisement jamais tenté, là dans une nouvelle technique de culture à la fois plus résiliente et plus expressive, la bas enfin dans le sauvage herbier magique de nos ancêtres.

Nul besoin d’aller chercher à l’autre bout du monde l’exotisme d’une mangue, d’une vanille, d’un café ou d’un chocolat, la palette locale est déjà infinie. Nous ne faisons pas de bière avec des produits transformés mais uniquement avec des ingrédients achetés directement à leur producteur, souvent cueillis par nos soins. Le métier de brasseurs cueilleurs que nous nous sommes inventé nous permet au fil des saisons de rencontrer des personnes formidables, celleux qui vivent en harmonie avec la nature et ses richesses, qui deviennent nos amis et dont le métier transpire dans nos boissons, jusqu’à vos papilles.

Les flaveurs des fruits sont très pures, simplement fermentées comme des vins de fruits. Celles des plantes sont souvent extraites : nous profitons de la distillation pour récupérer des hydrolats, co-produits de la vaporisation des huiles essentielles ! Nous n’utilisons aucun édulcorant et bien sur aucun arôme artificiel. Nos bières aux fruits sont de vraies bières, pensées autour de leur fruit, pas des propositions de bières arômatisées pour en masquer le gout. Aucune honte donc à les commander : la surprise est fertile et source d’apprentissage.